Ă Verviers, les homos se cachent encore
05-11-2015 Ă 05:00Â –Â Interview : Ălodie CHRISTOPHEÂ –Â L’Avenir
Il reste du chemin avant que les homosexuels soient pleinement intĂ©grĂ©s Ă Verviers. Certains ont toujours peur de sâafficher. Mais les choses bougent malgrĂ© toutâŠ
Jonathan Bovy, vous ĂȘtes prĂ©sident de lâASBL Ensemble Autrement. Ătait-ce important pour vous dâavoir une ASBL qui soutient la communautĂ© lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, intersexuĂ©e et en questionnement (LGBTIQ) Ă Verviers ?
Oui, car nous sommes la seconde ville en termes dâhabitants de la province de LiĂšge. Nous avons un public qui vient de petits villages de lâarrondissement et nous sommes facilement accessibles, mĂȘme en train ou en bus.
Combien de personnes font appel Ă votre ASBL ?
Depuis le mois de janvier 2015, environ une soixantaine. Depuis fin août, avec la création de nos locaux, il y a une nette augmentation. Dans les événements extérieurs, nous avons touché 300 à 350 personnes.
Souhaiteriez-vous attirer davantage de personnes ?
Beaucoup de personnes disent quâelles ne savent pas quâon existe, que nous ne sommes pas trĂšs visibles. Certaines personnes ont aussi encore du mal Ă faire le pas de venir nous voir. Le plus difficile, câest de franchir la porte une premiĂšre fois.
Quel est le regard que les gens portent sur votre ASBL ?
Notre philosophie est dâĂȘtre le plus inclusif possible. Nous essayons dâavoir une rigueur professionnelle dans ce que nous mettons en place et en mĂȘme temps une attitude conviviale et familiale.
La communauté LGBTIQ est-elle bien intégrée à Verviers ?
Il y a encore un peu de travail Ă faire. Les VerviĂ©tois ne sont pas habituĂ©s Ă aborder la question de lâorientation sexuelle. Nous sommes lĂ pour expliquer ce quâest la diffĂ©rence et quâen fait, il nây a pas de diffĂ©rence. Nous sommes confrontĂ©s aux mĂȘmes joies et aux mĂȘmes contraintes dans la vie de tous les jours, peu importe le partenaire avec lequel on vit.
Lâacceptation des LGBTIQ sâest-elle amĂ©liorĂ©e ?
Si on remonte à il y a plus de 30 ans, oui. Il y a une évolution, ne serait-ce que par les lois. AprÚs, il faut aussi intégrer ces idées dans la mentalité des gens.
Les homosexuels osent-ils se montrer en ville?
Je suis parti avec une stagiaire Ă LiĂšge le 11 novembre pour la journĂ©e mondiale du coming out. Elle portait fiĂšrement un drapeau arc-en-ciel jusquâĂ la gare. LĂ , nous avons entendu «Je ne savais pas que câĂ©tait la gay pride, voilĂ encore des pĂ©dĂ©sâŠÂ» Une fois Ă LiĂšge, câĂ©tait diffĂ©rent, deux filles nous ont klaxonnĂ©s, nous encourageant.
On ressent encore le besoin de se cacher lorsque lâon est homo Ă Verviers ?
Câest certain que je ne prendrais pas forcĂ©ment le risque de me balader main dans la main avec mon compagnon. Certaines personnes trouvent que câest choquant. On y rĂ©flĂ©chit avant de le faire en tout cas.
Dans la recherche dâemploi ou de logement, avez-vous constatĂ© des discriminations envers des personnes LGBTIQ ?
Il y a en tout cas des personnes qui restent discrĂštes par rapport Ă leur orientation sexuelle car elles ont la crainte que ça change quelque chose dans leur travail. CĂŽtĂ© logement, ce nâest pas toujours Ă©vident de louer un appartement lorsquâon est deux garçons ou deux filles.
« Dans notre local, personne nâest jugĂ© »
En deux ans, quels sont les projets que vous avez accomplis ?
Nous avons notre propre local depuis le mois dâaoĂ»t, câĂ©tait une demande de notre public et de notre Ă©quipe. Pendant un an et demi, nous avons pu nous construire grĂące Ă un partenariat avec le Centre pour lâĂgalitĂ© des Chances et la Maison des Jeunes des RĂ©collets et je tiens Ă les remercier. Sans eux, nous nâaurions pas fait grand-chose. Mais nous avions besoin dâautonomie et dâun lieu qui reflĂšte notre identitĂ©. Ce que les gens trouvent ici, câest la possibilitĂ© dâĂȘtre eux-mĂȘmes, sans jugement. Nous sommes situĂ©s Ă la fois en plein centre-ville, mais dans un lieu assez discret.
Quelles sont les actions que vous réalisez au jour le jour ?
Nous continuons Ă dĂ©velopper lâaspect social. Nous avons notamment un groupe de primo arrivants venant dâAfrique Centrale. Ils sont arrivĂ©s en Belgique suite Ă lâhomophobie qui rĂšgne dans leur pays. Nous souhaitons les accueillir dans la sociĂ©tĂ© belge et les accepter dans leur orientation sexuelle.
ConcrĂštement, vous pouvez, par exemple, aider les homos Ă faire leur coming out ?
Ici, en Ă©coutant les rĂ©cits de vie des autres personnes, en voyant comment ça sâest passĂ© pour les autres, ça peut les aider Ă prendre confiance en eux. Nous sommes soutien si ça se passe mal. Notre trĂ©soriĂšre organise aussi des mĂ©diations pour que les LGBT puissent renouer des contacts avec leurs familles, leurs amis ou leurs collĂšgues qui ont parfois du mal Ă les accepter tels quâils sont.
Quels sont vos projets pour le futur ?
Notre secrĂ©taire est en train de monter un projet de LGBTthĂšque. Il rĂ©colte aussi des informations pour le parcours identitaire et le changement de sexe. Il nâexiste pas de mode dâemploi dans ces situations et on souhaite rassembler des informations pratiques comme, par exemple, des noms dâesthĂ©ticiennes qui acceptent les hommes. Nous aimerions aussi pouvoir organiser une permanence par mois pour le dĂ©pistage rapide dâHIV, nous attendons que la loi passe. Nous avons le projet de crĂ©er de petits bureaux individuels dans notre local pour garantir la confidentialitĂ©. Nous allons Ă©galement monter une troupe artistique. Nous avons aussi modifiĂ© nos statuts pour ĂȘtre reconnu comme Maison Arc-En-Ciel.
Quâest-ce que cela vous apporterait ?
Ăa permet dâentrer dans un rĂ©seau dâassociations LGBTIQ et dâavoir un subside pluriannuel pour couvrir les frais de fonctionnement et de personnel. Nous pourrions alors engager plusieurs mi-temps.
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source : https://www.lavenir.net/cnt/DMF20151104_00730255